Voir l’invisible

De bon matin Pierre et Jean coururent au tombeau le matin de Pâques. La réaction de Jean : « il vit et il crut » est surprenante, car le tombeau était vide. Il n’y avait donc rien à voir ! Alors qu’a-t-il donc vu ?
La vue de ce qui nous entoure occupe une place considérable à longueur de journée. Nous nous reconnaissons les uns les autres par nos apparences extérieures, par ce que nous voyons. Mais nous savons aussi par expérience qu’il existe un au-delà de ce que perçoivent nos sens. Nous savons lorsque quelqu’un nous regarde qu’il ne voit pas ce que nous ressentons, nos pensées, nos émotions, notre joie, notre amour ou notre indifférence, nos souffrances… Quand nous sommes émerveillés par un lever de soleil, un arbre, un bouquet de fleurs, un beau visage, nous savons qu’il y a une vraie distance entre ce que nous voyons et ce que nous ressentons. Nous pouvons dire que nous pressentons là une expérience de l’invisible qui n’est pas moins réel que le visible.

St François dans sa première admonition nous rappelle que les disciples qui voyaient Jésus eurent du mal à croire qu’il était Dieu. La vue peut être un obstacle à la foi, « Heureux ceux qui croiront sans avoir vu » nous dit Jésus. Heureusement la confiance que les disciples avaient en Jésus et en sa Parole les préparèrent à croire et à reconnaître qu’il était le Messie le Fils de Dieu. Il nous faut dépasser le visible pour accéder à la foi. C’est ce que nous rappelle l’évangile dans le récit des disciples d’Emmaüs. Des signes nous sont donnés pour que nous prenions conscience de la présence de Jésus.

Dans notre chemin d’intériorité, Jésus nous permet dans le silence de découvrir sa présence discrète. Il nous redit par sa Parole qu’il est lumière. Comme la lumière du jour que je ne vois pas mais qui me permet de voir, L’esprit en nous nous permet de voir par la foi. Dieu invisible ne se laisse pas enfermer dans quelque chose de limité. La Parole de Dieu qui est lumière est source de tout ce qui existe. La foi en cette Parole-lumière nous permet de reconnaître des signes de la présence, des signes pétris d’invisible.

Ainsi Jésus nous invite à reconnaître sous les signes du pain et du vin, l’amour qu’il ne cesse de nous donner pour que nous en vivions, mais aussi le pardon qu’il continue de donner même à ses bourreaux. Il connait nos difficultés à dépasser les apparences. Aussi sans se lasser, il multiplie les signes pour nous aider à ouvrir notre cœur et nos yeux et nous apprendre « à voir » avec le cœur.

François savait reconnaître dans toutes les créatures le reflet du créateur. Il nous invite à prendre conscience qu’il y a en chacune d’elles plus que ce que nous observons. Il avait une conscience vive que Jésus vient demeurer au plus intime de chacun, manifestant en lui comme un rayonnement d’éternité.

Pour voir avec le cœur, il est nécessaire de se décentrer de soi pour regarder chaque personne avec une attention pleine de douceur, de tendresse, d’amour, de compassion. La bonté que je reconnais dans ses paroles, ses gestes, ses services me dévoile délicatement la Source de la Vie. Dieu est présent là et je peux le « voir », il se rend présent dans le visage de mon frère, dans le regard de celui qui souffre, de celui qui a faim, de celui qui demande à être accueilli. Habité par la lumière, nos yeux peuvent s’ouvrir pour reconnaître qu’au-delà du visible il y a une présence invisible. « Ce que vous faites au plus petit d’entre les miens c’est à moi que vous le faites ! »

« Qui me voit, voit le Père » : A travers tous les signes que Jésus nous donne nous pouvons aussi comprendre que notre Père ne cesse de nous attendre pour nous prendre dans ses bras et nous ouvrir son ciel. La Prière contemplative, l’oraison vécue dans le silence nous permet d’affiner notre regard pour passer du physique au spirituel, du temps à l’éternité, de la dispersion à la communion, du visible à l’invisible.

Seigneur ouvre nos yeux pour que nous apprenions à tout voir dans ta lumière, à tout contempler dans ta bonté, à croire que nous sommes en toi pour l’éternité, à voir ton ciel ouvert et à le contempler au plus intime de chaque regard. Alors nous pourrons te suivre sur la montagne de la Transfiguration !

Fr Jo Coz

Permalink

Comments are closed.