Faire miséricorde

Le pape François nous invite à vivre une année de la miséricorde, mais cela n’est possible que si nous devenons miséricordieux dans nos paroles, nos regards et nos actes. Le témoignage de François d’Assise peut nous aider ! Dans son Testament il nous dit : « Le Seigneur me donna ainsi à moi, frère François, de commencer à faire pénitence : lorsque j’étais dans les péchés, il me semblait extrêmement amer de voir des lépreux. Et le Seigneur lui-même me conduisit parmi eux et je leur fis miséricorde. Et en m’en allant de chez eux, ce qui me semblait amer fut changé pour moi en douceur de l’âme et du corps ». (Test 1-3)

Cette étape est surprenante. François nous révèle que c’est cette expérience concrète de la miséricorde qui va être déterminante dans son chemin de conversion. En soignant les lépreux il découvre la fécondité de la compassion. Il se découvre capable de mettre en pratique l’invitation de Jésus de se faire serviteur de ses frères et de les aimer tels qu’ils sont. Il s’appuie sur l’incarnation de Jésus en passant aux actes. Son cœur touché par la détresse du pauvre exclus et souffrant devient comme une source inattendue d’amour compatissant qui remet debout. Dans ce mouvement il découvre à sa grande surprise une joie qu’il ne connaissait pas et fait surgir en lui une grande douceur.

Sa découverte fut décisive : la miséricorde est la porte qui fait entrer dans la vraie vie, dans l’accomplissement de soi, en prenant soin les uns les autres, en se faisant tout proche de ceux qui sont dans le besoin. Jusque là il fuyait la vue et l’odeur  des lépreux. C’est en faisant face, en se laissant envahir par la compassion qu’il se découvre des capacités d’aimer insoupçonnées. Il apprend la force de la communion à l’œuvre en lui et dans le lépreux !

Dans l’évangile Jésus s’est identifié aux pauvres, aux lépreux… « Ce que vous faites au plus petit d’entre les miens c’est à moi que vous le faites ! » C’est donc un chemin de communion avec Jésus que François  expérimente en servant le lépreux qui devient source et terme de l’amour. Inspiré par la miséricorde du Père, il se fait proche de celui qui ne se supporte plus, qui est révolté en son âme (cf. Fior 25). De tout son cœur il veut lui donner son amour fraternel, simple, incarné. Mais ses bonnes paroles ne font pas d’effet. François se tourne alors vers le Père miséricordieux et se fait intercesseur auprès de lui. Il lui demande de guérir le lépreux du mal intérieur qui le ronge. François se sent impuissant mais il veut le bien, le salut du lépreux. Il prie pour sa conversion et, ô surprise, c’est son propre comportement qui est converti. Avec délicatesse, il se met à son service et fait ce qu’il désire. Il se rend totalement disponible pour accomplir la volonté de l’autre.  « Non pas ma volonté mais la tienne ». Il offre la paix de Dieu au lépreux qui en retour lui donne la paix. François rejoint l’autre au plus profond de son cœur. Il lui permet d’exprimer librement sa souffrance et son désir d’être laver. Aussitôt François fait chauffer de l’eau et y met des plantes parfumées pour remplacer les odeurs de pourritures… En lavant le lépreux avec délicatesse et douceur, il trouve en lui la force de l’affection et des gestes maternels !

Touché par tant d’amour simple, la conscience du lépreux se réveille et il retrouve le repentir et la paix intérieure qui lui permet d’aimer de nouveau. En se sentant aimé, le lépreux retrouve la santé du cœur et du corps. Il devient lucide sur lui-même et retrouve le chemin de la confiance en la miséricorde divine. Par l’amour de François il redécouvre l’amour du Père plein de tendresse.

Voyant la disparition de la lèpre qui se réalisait sous ses doigts, François ne s’approprie pas pour autant le changement qui s’opère chez le lépreux, Bien au contraire il rend grâce au Père pour sa bonté et le bien qu’il manifeste à l’égard de ce lépreux. « Tout bien vient de Dieu et sans lui n’est aucun bien ! »

Le chemin le plus rapide vers l’amour vivant c’est la compassion qui nous transforme en intercesseur capable de s’engager concrètement au service de l’autre. En se mettant au service du lépreux François se met au service de celui qui s’est identifié à tous les pauvres de la terre et qui manifesta le désir de Dieu de prendre soin de l’homme en lavant les pieds de ses disciples.

Comme François nous sommes invités à nous laisser conduire sur les chemins de l’authentique fraternité qui naît d’un amour capable de discerner la dignité des plus méprisés et de les reconnaître comme de vraie source d’évangélisation. François n’oubliera jamais que c’est le lépreux qui lui a fait découvrir la vraie Vie et la douceur de Dieu !

Frère Jo Coz

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