Apprendre l’Attente

Le temps de l’Avent et l’approche de Noël nous invitent à réfléchir sur l’importance de l’attente.
Voici quelques réflexions pour entrer dans cette expérience.

Elle est toujours liée au temps qui arrive plus ou moins long. Elle exorcise l’usure du temps en ouvrant un avenir désirable.
Elle est liée à la patience, une patience est associée à la sainteté, non pas seulement en supportant le poids des événements et des circonstances de la vie, mais comme constance dans le fait d’aller de l’avant jour après jour.
Dans l’attente nous pouvons être plus libres, plus vrais, plus forts, plus vulnérables que dans la possession. L’attente féconde notre vie…
L’amour est attente sans mesure et sans limite. Elle se nourrit de tous les désirs qui nous poussent toujours en avant dans une quête de bonheur.

L’attente aiguise la foi, le regard intérieur, le sens du don reçu et offert.
Elle unifie notre vie qui est orientée vers ce ou celui que nous attendons. Elle affine nos sens spirituels qui nous rendent plus proches de Dieu. Elle nous fait expérimenter une paix profonde et sentir l’amour de dieu qui inspire et rejoint nos désirs.

Attendre permet de se recentrer sur Dieu, sur celui qui vient. Il est toujours celui qui arrive. Je ne peux me l’approprier. Cette attente n’est pas seulement une expérience liée à des événements ou à des fêtes. Dans la mesure où j’attends Noël, Jésus incarné avec beaucoup d’amour, je vais l’attendre, mais je peux déjà le reconnaître, comme François, dans le lépreux, le pauvre, l’exclus mais aussi dans la prière silencieuse et la solitude. Je peux  le retrouver dans les efforts que je mets pour me convertir, pour lutter contre mes comportements égoïstes ou mes regards d’indifférence,  dans le pardon offert sans calcul… Le Seigneur ne cesse de venir à ma rencontre si je sais l’attendre.

L’attente est donc un des moteurs de la conversion. Parce que nous ne connaissons pas Dieu et que nous ne le voyons pas, parce que nous ne le possédons pas,  il nous faut entrer dans la patience pour le découvrir, pour libérer ce qui est caché. L’évangile nous parle beaucoup du veilleur, celui qui attend dans une confiance aimante la lumière de l’aube, et la fleur qui annonce le printemps. Il est celui qui sait reconnaître les signes de cette vie attendue, même en plein hiver.

Dieu ne se fait reconnaître que pas à pas, touche par touche dans l’intimité de notre cœur. Il nous faut toute une vie pour que le visage de Dieu se dévoile en nous dans l’amour et que nous puissions le voir. Dieu ne se révèle que discrètement en déployant l’humilité mystérieuse de sa force. Il ne se manifeste qu’à travers nos pauvres moyens dans la simplicité de nos jours, dans la patience de l’écoute, la patience du semeur qui croit en la fécondité de ses semences.
Dieu est toujours une surprise. On ne sait ni où ni comment on le trouvera. Il faut le deviner présent quelquefois dans les épines, dans la pierraille ou dans la bonne terre… Il faut se laisser guider par sa foi pour chercher Dieu à tâtons …

L’attente est un temps de gestation. La réponse de Marie à l’ange Gabriel l’a fait entrer dans une période d’attente qui va durer toute sa vie. Tous les jours elle va attendre la réalisation de la promesse qui se dévoilera mystérieusement au matin de Pâques.
L’attente entretient l’espérance. Dieu est promesse et il nous faut attendre sa réalisation. Une attente-chemin et non pas une attente-gare !

En Jésus, Dieu est venu à la rencontre de l’humanité. Cette ouverture du ciel se renouvelle chaque jour si nous savons attendre les signes qu’il nous donne. La Parole qu’il nous partage et qui nous fait expérimenter la gestation de Marie. Il nous faut souvent du temps entre le moment ou nous accueillons, méditons cette parole et le moment où nous sommes prêts à la mettre en pratique, c’est à dire à naitre avec elle. Elle est comme la petite graine de moutarde qui va devenir un grand arbre. Il faut du temps pour que la fécondité produise son fruit.

L’attente nous invite donc à abandonner toute idée d’efficacité immédiate. Il nous faut apprendre la solidarité et la fraternité patiente qui a besoin de temps pour faire grandir et libérer une vie de tous ses carcans ! Elle nous provoque donc à l’espérance plus forte que tous les freins et tous les blocages momentanés. C’est un temps d’entrainement à l’amour, à l’écoute, au pardon, à l’accueil de l’appel du Père dans la prière, à deviner la présence de Jésus dans les signes qu’il nous donne, à entendre et accueillir l’inspiration de l’Esprit qui nous invite à nous ouvrir et à aimer.

L’attente nous invite à orienter nos regards vers la venue ou la rencontre du Christ à la fin de notre temps. En attendant notre vie est en construction et comme dans tout chantier on ne devine pas toujours  ce que sera l’état final. Il nous faut attendre, naître et renaître commencer et recommencer chaque jour.

Jésus est celui que des générations de croyant ont attendu pendant des siècles, provoquant la fidélité à l’Alliance, décourageant certains, inspirant la confiance des autres, entretenant la prière confiante de ceux croyaient en la bonté fidèle de Dieu comme le vieillard Siméon. Les disciples qui suivirent Jésus se posaient des questions : « es-tu celui qui doit venir où devons-nous en attendre un autre.» Il leur faudra beaucoup de temps pour qu’ils comprennent que leur attente n’avait pas été vaine et que les promesses du Seigneur se sont réalisées en Jésus mais de façon tout à fait imprévue. L’attente nous oblige à rester disponibles et ouverts aux manifestations de Dieu qui sont toujours déroutantes. Il ne rentre que rarement dans le cadre de nos prévisions

Jésus nous  révèle que ce nous attendons est déjà là. « Le royaume de Dieu est parmi vous… » Aux disciples d’Emmaüs il fait relire toutes les Ecritures et leur ouvre le cœur  à tel point que, eux qui quittaient Jérusalem tous tristes, vont y retourner débordant de joie après avoir reconnu le signe de celui qu’ils attendaient… La vie  libérée de la mort les as libérés de leur prison.
La Femme de Samarie que Jésus rencontre au bord d’un puits attendait l’amour de sa vie, désespérément, et là dans les paroles et le regard de Jésus elle laisse enfin surgir cette source de vie qui  emporte ses illusions stériles en laissant la place à une confiance irrésistible…
Le paralytique qui attendait depuis tant d’années au bord de la piscine, complètement découragé, va faire l’expérience de la prévenance et de la compassion de Dieu qui n’oublie personne et qui nous rappelle qu’il n’y a pas d’attente vaine lorsque nous nous mettons notre confiance en Dieu Père.

Depuis des siècles le peuple attendait la délivrance, ils attendaient le messie qui allait leur rendre leur liberté. C’est exactement ce que va faire Jésus. Mais ce n’est pas de l’oppression romaine que Jésus va les libérer mais  bien de tout ce qui les rendaient aveugles et sourds… ce qui les enfermaient dans leur orgueil, leur certitudes, leurs injustices, leur manque d’amour, leur  manque de foi… « Convertissez-vous croyez à la Bonne Nouvelle. » Au matin de Pâques la lumière s’est révélée dans toute sa splendeur, le voile s’est déchiré. Désormais l’attente est un chemin de communion à partager avec tous les hommes.

François a passé beaucoup de temps à attendre ? Pendant des mois et des mois il va se tourner vers celui qui l’avait ramené à Assise avec une question lancinante : « Seigneur que veux-tu que je fasse ? » Ce temps d’intériorisation qui le préparait à passer d’un projet de gloire chevaleresque à un projet d’humilité et de pauvreté inspirée de celle de Jésus fut un temps de purification et d’apprentissage de la confiance en celui qui ne se manifeste que dans la discrétion et la simplicité du cœur.
Poussé par l’Esprit il va un jour être ébloui par la force et la fraicheur de la Parole : : « Voilà ce que je veux et ce que je désire accomplir de toute mon âme ». Son attente de gloire va se réaliser d’une façon tout à fait imprévue. Il sera le héraut d’un grand Roi mais qui est mort sur la croix…
Toute sa vie il va aller à la rencontre des hommes et des femmes de son temps pour les inviter à la conversion, pour les aider à se tourner vers celui qui est la « source de tout bien et sans qui n’est aucun bien… » Il va envoyer tous ses frères pour aller porter cette invitation et pour inviter les gens à faire la paix à pardonner, à abandonner tous les comportements de divisions de violence. Mais son attente sera longue avant qu’il comprenne que la paix qui donne la joie parfaite n’est pas celle que l’on impose même habilement aux autres mais celle que l’on expérimente dans les situations extrêmes de souffrances et de rejet… « Là est la joie parfaite ».  Dieu nous rejoint toujours là où nous ne l’attendions pas !

Enfin pacifié François va pouvoir attendre de voir son bien-aimé et fraterniser avec sa   « sœur  la mort corporelle ». Son attente lui permet de voir au-delà des limites du temps et du corps.

Seigneur, viens, nous t’attendons !

Fr Jo Coz
(décembre 2013)

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