Naitre, fragile

Naître, fragile

 

Chaque année, la liturgie nous invite à revisiter toutes les grandes étapes de notre vie à la lumière de celle de Jésus en nous référant à son enseignement, à sa Parole et à ses gestes. La fête de Noël nous rappelle, heureusement, qu’il nous faut tout intégrer depuis la naissance jusqu’à la résurrection. Jésus a assumé la totalité d’une vie d’homme. Tous les moments de sa vie deviennent donc pour nous source d’une révélation incontournable.

            La naissance de Jésus dans une étable n’est pas une belle histoire pour enfants. En choisissant de naître dans des conditions de simplicité précaire, d’avoir une crèche pour berceau, Jésus assume toute la fragilité d’une vie humaine vulnérable, dépendante, humble et mortelle. Avec les bergers, nous sommes invités à aller lui rendre visite. Là dans la pauvreté il nous parle au cœur. Lui, Dieu Très-haut, se révèle comme étant le Très-bas, lui le Tout puissant se montre Tout-petit, lui le Créateur de tout se manifeste comme une petite créature qui a besoin des autres pour le porter, le nourrir et le laver. Là dans la simplicité d’une mangeoire, Jésus éclaire, de façon inattendue, l’immensité de l’amour divin incarné dans la fragilité extrême d’un enfant nu. En se manifestant ainsi dans la fragilité, Jésus vient éclairer nos propres fragilités.

            Là, dans la paille, il manifeste tout le projet de Dieu pour les hommes. La fragilité d’un bébé devient alors une réalité révélatrice. Elle fait naitre dans son entourage, tendresse, vigilance, attention, joie, allégresse, protection, confiance. Là dans la crèche se révèle avec force le secret le plus précieux d’une vie, l’amour suscité par la fragilité du faible qui a besoin d’attentions. Le lien qui s’exprime ainsi à travers cette dépendance réveille en nous une capacité de donner, de se donner gratuitement pour que l’autre vive. La fragilité de l’enfant nous rappelle aussi la nôtre, que nous ne pouvons pas vivre seul, que nous avons besoin des autres, de leur soutien, de leur solidarité, de leur compétence, de leur amour permanent.

La fragilité de nos vies est source d’humanisation. Elle nous rend capable de tendresse, de douceur, de compassion, de pardon. Les personnes qui ne se sentent pas fragile deviennent des personnes dures, insensibles à la souffrance des autres, à leurs difficultés, à leurs déficiences, et ne comprennent pas leurs détresses, leurs besoins de pain, de pardon et d’écoute.

Jésus se laissait toucher par les souffrances physiques et morales des personnes qu’il rencontrait sur son chemin. Il ne portait pas de jugement mais aimait les personnes comme elles étaient. Il manifestait un amour inconditionnel, gratuit, sensible, comprenant de l’intérieur les manques et les besoins de chacun. Son regard aidait chacun à naitre et à renaitre en prenant en compte sa fragilité et son histoire. Sa bonté donnait confiance et permettait à la vie de reprendre le dessus, à l’amour d’éclairer une confiance nouvelle et de nouveaux choix de vivre, Zachée donne la moitié de ses biens, Marie-Madeleine devient disciple attentionnée.

Accepter sa fragilité c’est le chemin que Jésus fait faire à ses disciples, à Pierre, à Marie Madeleine, à Thomas. Il leur fait découvrir que la fragilité acceptée, assumée est un vrai trésor, qu’elle est une source d’humanité sans cesse renaissante. Celui qui se sent fragile se sent plus proche des autres, il comprend leurs fragilités. Celui qui a conscience de ses insuffisances est plus sensible à la bienveillance des autres, à leur accueil tout simple, à leur patience et à leur confiance qui l’autorisent d’exister pleinement. Cette fragilité suscite l’action de grâce, et des mercis pour tout ce que nous recevons chaque jour, pour la vie que Dieu nous donne et pour les gestes qui nous font découvrir toutes les facettes d’un amour qui se redonne et contempler le cœur immense du Père qui nous aime et nous pardonne comme nous sommes. Au fur à mesure que la foi et la confiance se diffusent dans tout notre être pour durer toujours, nos peurs disparaissent et nos rencontres peuvent alors s’épanouir en intégrant les faiblesses et les fragilités de chacun.

Notre fragilité nous pousse à   rester ouvert à l’inattendu, là où Dieu nous rejoint, à vivre le temps avec espérance, à rester centrer sur Dieu plus que sur les besoins immédiats de notre corps, à nous libérer de la sécurité illusoire de nos biens. En acceptant notre fragilité jusqu’au bout comme Jésus sur la croix nous pouvons croitre dans la communion avec lui dans l’invisible. C’est ce que vécut St François quand Il composa ce verset du Cantique des créatures : « Loué sois-tu, mon Seigneur, pour ceux qui pardonnent par amour pour toi ; qui supportent épreuves et maladies : heureux s’ils conservent la paix, car par toi, le Très-Haut, ils seront couronnés ». Ainsi tout ne cesse de naitre et renaitre délicatement en découvrant que notre avenir est dans le cœur de Dieu.

Fr Jo Coz

 

 

Related Posts

Une fraternité incompatible avec la médisance

Dans ses écrits St François insiste beaucoup sur la qualité des relations entre les frères.Read More

Donne-moi une espérance solide

Texte « Donne-moi une espérance solide »   Dans la prière qu’il a composé devant le crucifixRead More

La fécondité d’un Nom

La fécondité d’un Nom   Lorsque l’ange Gabriel annonce à Marie qu’elle va donner naissanceRead More

Comments are Closed