Choisir le Carême

Tous les ans, pendant quarante jours, la liturgie nous invite à faire carême pour nous préparer aux fêtes de Pâques. Mais pourquoi faire Carême ?

Le chiffre quarante nous renvoie déjà à toute une expérience du peuple élu. Dans le récit de Noé et du déluge, il prépare l’alliance que Dieu va faire avec son peuple. Moïse avant de monter sur mont Sinaï pour où il recevra les tables de la loi va jeûner pendant quarante jours. Peuple va errer quarante ans dans le désert avant de recevoir en partage la Terre promise. Elie va marcher quarante jours dans le désert avant de monter sur la montagne où Dieu se révélera à lui. Enfin Jésus passe quarante jours de jeune et de prière dans le désert pour ouvrir sa vie publique et manifester son amour fidèle à son Père et orienter toute sa vie vers la nouvelle alliance. Ce chiffre de la tentation correspond aussi, à chaque fois, à un temps de jeûne, de prière et de pénitence préparant à recevoir une grâce de Dieu.

Le carême est un temps pour se convertir et revenir à l’essentiel. Nous avons tous des changements à faire dans nos vies. Le chapitre 25 de l’évangile de St Mathieu nous précise des domaines que nous avons à prendre en compte : « Ce que vous avez fait au plus petit d’entre mes frères c’est à moi que vous l’avez fait… ». Nous avons à prendre avec sérieux l’invitation de Jésus ; Aimer et aimer ses frères sont le même commandement. Il nous faut donc progresser dans le service des autres puisque Jésus nous indique que l’amour incarné s’exprime par le service. C’est une manière de redonner à notre vie sa dimension communautaire et sociale, de réveiller l’aspect relationnel de nos existences souvent étouffer par la richesse et l’accumulation dues biens et du confort.

Cet engagement retentit sur toute notre vie. Nous sommes invités à lutter contre tous les liens qui nous enferment sur nous-mêmes et sur tous les jougs qui asservissent les plus pauvres. Comme nous y invite nous avons à rendre au plus pauvre ce qui lui appartient. Ce que nous avons en trop appartient au plus pauvre. « Si nous avons deux manteaux le deuxième appartient à celui qui n’en a pas ! » La terre est donnée à tous les hommes et pas seulement aux plus riches. Nous sommes donc inviter à nous déprendre de tout ce dont nous n’avons pas besoin, à ne pas accaparer la part des autres ou des générations futures.

Dans ce registre, le carême nous invite à reconsidérer nos manières de consommer. Suis-je tenté par le dernier appareil au top de la dernière technique ou suis-je suffisamment détaché de la pression médiatique ? Nous avons à nous à affranchir des modes et des préjugés à la mode, de ce qui se dit et ne se fait pas, de ce qui se fait et ne se dit pas.

Le carême est un temps pour écouter les appels de Dieu dans nos vies. Nous espérons tous le salut déjà réalisé en Jésus et par Jésus, mais il reste encore se concrétiser en chacun de nous. Il nous faut apprendre à mourir pour ressusciter avec Jésus. Dieu nous appelle par pure grâce à participer à la résurrection de Jésus mais il nous demande de purifier notre vie autant que possible, à mourir à nos égoïsme pour renaître dans l’amour sans condition et sans mesure de Jésus. Cela passe par l’apprentissage et l’élargissement de nos gestes de nos paroles nos et de nos regards de réconciliation et de pardon. L’autre est mon frère quelque soit son histoire ! Le carême est invitation à nous tourner vers notre avenir en Dieu et à nous désencombrer de notre passé quelque fois désespérant. La foi est invitation à se tourner vers notre Père qui vient à notre rencontre sur notre chemin. Il ne nous poursuit pas. Notre foi devient alors une force de vie pour soi et pour les autres. Alors dans mes ténèbres Dieu sera ma lumière, dans mes faiblesses il sera ma force.

Le carême nous invite à la modération, à la frugalité, à la sobriété, au jeûne. C’est en effet un temps de purification, de simplification de notre vie pour retrouver le sens de la mesure. Notre vie nous vient de Dieu, et il nous faut en permanence reprendre conscience que nous ne sommes que des créatures, voulues et aimée de Dieu. Il nous nous expérimenter une libre dépendance. Le jeune nous nous apprend à nous nourrir du dedans, à passer du besoin au désir. Au lieu de désirer des choses matérielles nous pouvons nous ouvrir au désir spirituel de participer à la compassion du Christ, de vivre dans la vérité et la lumière qu’est Jésus.

Le jeûne libère la prière en nous, il nous dispose à entrer plus joyeusement en relation avec Notre Père, à aimer comme Jésus… Il nous dispose à l’écoute de la Parole, à entretenir notre faim de la Parole de vie. Il nous permet aussi de comprendre un peu mieux que notre corps est le temple de l’Esprit qui donne vie, joie, paix. Cette démarche nous fait participer au combat de Jésus contre le diable qui cherche à nous couper du Père et à nous enfermer dans nos ambitions personnelles. Il nous fait rejoindre Jésus dans toutes les expressions de sa compassion, il a pitié de celui qui souffre, de celui qui a faim de celui qui est perdu dans errances et nous propose un apprentissage de la nécessaire humilité pour aimer comme lui.

Le jeûne nous ouvre à notre profond et nous fait pressentir notre identité profonde en Dieu. Un espace intérieur s’ouvre qui me permet de vivre en communion avec Celui qui vient demeurer en moi qui est plus grand que moi et qui se manifeste par une grande miséricorde.

Le jeûne nous permet de simplifier notre vie et d’éliminer le trop plein, le superflu, dans la nourriture, les idées, les préjugés et me rend plus présent aux autres. Il casse la logique de la surconsommation et fait entrer dans celle de l’intercession et de la communion et du partage. Il est le contrepoison qui me libère de mes tendances à juger, à critiquer, à tout voir en négatif. Il permet de nous éloigner de tout ce qui nous éloigne des relations vraies. Il nous ramène à notre cœur profond. Le jeûne est une démarche pascale, un passage pour croire plus et aimer mieux. Il nous rend plus sensible aux choses de Dieu et favorise notre abandon au Père. Il nous permet de renouveler notre communion avec tous les hommes et d’assumer toutes nos responsabilités au jour le jour.

Il nous décentre de nous-même pour suivre Jésus jusque dans son chemin de croix. Il nous invite à aimer quand même quand il n’y a pas de retour, à pardonner quand même si cela nous entraîne là où on ne souhaitait pas aller. Il est l’apprentissage de la vigilance dans la prière et dans toutes nos rencontres.

 Fr Jo Coz

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